Interview de Victoria BEDOS & Louis PENICAUT

  • Par Arnaud Onnainty
  • Mise en ligne : 17 mai 2023
  • Mise à jour : 17 mai 2023

Victoria Bedos est une écrivaine, journaliste, scénariste, chanteuse et comédienne française, née le 28 avril 1985. À l'occasion de la sortie du film "La plus belle pour aller danser", Victoria et Louis Pénicaut (réalisatrice et co-scénariste du film) nous font l'honneur de répondre aux questions d'Arnaud.

INTERVIEW :

SM : Bonjour Victoria, le public vous connaît pour avoir écrit La famille Bélier, nous vous découvrons aujourd’hui réalisatrice. Quel a été le déclic ?

VB :

Je pense que c’était en moi. C’était quelque chose dont j’avais très envie. A partir du moment où on écrit, ça peut rentrer en ligne de mire, et accompagner le processus créatif de ce qu’on a dans la tête. Néanmoins je ne me permettais pas d’oser. Je me disais il faut que je reste à ma place, c’est un peu d’ailleurs ce que je raconte dans mes films. Par chance, une productrice Hélène Cases, m’a invité à dîner et m’a dit qu’il était temps que je devienne réalisatrice. Elle a comme répondu à une attente un peu intime et inconsciente. Et parce qu’elle croyait en moi, j’ai cru que je pouvais le faire.

SM : Un premier film, c’est toujours une émotion, un peu personnel… Est-ce que finalement Marie-Luce, l’héroïne du film, c’est un peu vous ?

VB :

Oui, c’est ce que j’avais déjà fait avec La famille Bélier : je pars de quelque chose d’intime pour aller vers l’universel. Avec Louis (co-scénariste), on ne se connaissait pas avant, il faut savoir qu’il a été embauché pour cette co-écriture ! Donc à partir du moment où le sujet était l’adolescence, j’ai parlé à Louis de mon adolescence, comme à un psy finalement.  Ça a été dur de passer ce cap entre l’enfance et la jeunesse car j’avais du mal à savoir quel genre de fille j’étais, qui j’aimais, comment me présenter au monde. J’ai moi-même été victime d’isolement avec les gens de mon âge. J’étais très bébé physiquement, je ne grandissais pas, je n’ai d’ailleurs pas beaucoup grandi, avec des goûts de vieux mais précoce scolairement, j’avais un an d’avance. Je n’écoutais que de la chanson française à l’époque où les gens de mon âge découvraient le rap. Mais après avoir raconté ma vie, ça n’avait aucun intérêt, ça a été notre travail à tous les deux, d’en faire quelque chose d’universel. Et Louis a cette capacité de fictionnier ce quelque chose d’intime. Ça a été notre travail à tous les deux, d’en faire quelque chose de plus universel !

SM : Le film est perçu sur la différence, la quête d’identité, l’évolution des mœurs… Ce sont des sujets qui vous tiennent à cœur et que vous vouliez partager ?

VB :

Oui et même pour Louis, c’était comment trouver sa place. Par exemple, Louis a un jumeau qui a été très vite mis dans la lumière et c’était comment trouver sa place, lui qui était le jumeau un peu plus discret…C’est également comment se présenter différemment au monde, ce n’est pas que mon adolescence à moi. Après sur le sujet d’homosexualité, on ne l’a pas abordé sous un angle de coming-out. Le personnage Emile, aime les hommes, mais on l’a traité comme une donnée lambda. C’est comme si on avait dit Emile, il aime les frites. 

LP :

Ce qui était intéressant c’est que le fait que Marie-Luce soit amoureuse de cet adolescent, et qu’elle arrive à se rapprocher d’Emile, mais en tant qu’homme et qu’après malgré qu’il aime les hommes, elle ne s’arrête pas. C’est réussir à parler d’amour sans sexualiser. On a envie d’être aimé, sans se dire je suis gay, pas gay… c’est juste est-ce que tu m’aimes, est-ce qu’on s’aime ?

VB :

Et le parallèle entre Emile et Albert, c’est que quand même, la société a évolué. Albert, il avait honte d’être homo, donc il a dû fuir et sa génération c’était ça. Alors qu’Emile, ce n’est pas un problème, c’est comme ça. Ça montre un progrès de la société malgré tout.

SM : Comment se déroule l’écriture d’un film ?

LP :  

Quand on écrit en duo, c’est la joie de se retrouver le matin et après on ne sait pas ce qu’il va se passer ! La méthodologie c’est d’abord de se retrouver et de rien faire. Victoria qui reste sur le canapé, on attend d’attraper une idée et après ça part ! Il faut trouver quand même, mais avant tout c’est de se retrouver et de parler. Et puis c’est l’habitude aussi. Et au fur et à mesure de la discussion ça arrive. Mais il faut savoir que trouver le personnage de Marie-Luce, ça a été un véritable chemin de croix.

VB :

Si on cherche, on trouve toujours. Il faut se mettre en condition de travail. En discutant, d’anecdote en anecdote, on retombe sur nos pattes. Sur ce film, on n’a pas du tout écrit en pensant aux acteurs. On préférait être totalement libre de créer des personnages et après c’est aux acteurs de rentrer dans les personnages. Tout a été magique, les étoiles se sont alignées car maintenant je ne vois pas comment d’autres acteurs auraient pu jouer ce film. Mais on n’a pas pensé avant aux acteurs, c’est à l’acteur de faire l’effort de rentrer dans le personnage.

SM : Pouvez-vous nous présenter rapidement les personnages ?

VB:

Il y a Emile, l’amoureux de Marie-Luce. On est parti sur le principe du coup de foudre. Que j’ai travaillé à l’image avec les ralentis, que j’ai ressenti en étant jeune, le premier amour qui arrive dans la classe. Et les papillons dans le ventre, c’est vraiment le premier sentiment amoureux que cette jeune fille a. C’est l’objet de désir un peu Émile. Il est nouveau, beau, un peu mystérieux. Et on découvrira que son mystère c’est qu’il aime les garçons. 

Après il y a un personnage fondamental, celui du papa. L’histoire père/fille prend de plus en plus d’ampleur à mesure du film. Au départ, on ne comprend pas pourquoi cette jeune fille, Marie-Luce, est aussi particulière. Et on avait envie de terminer sur l’histoire père fille. C’est ça le nœud du problème, cette jeune fille ne sait pas qui elle est car son père ne lui a jamais parlé de sa mère. Son père n’a jamais ouvert la communication. D’ailleurs c’est super d’écrire avec un garçon pour ouvrir le débat. C’est de l’amour mais de l’amour maladroit, j’ai eu un papa comme ça. Mais de voir un papa qui a du mal à accepter de voir sa fille devenir une femme. Là, on est quand même sur un père qui n’arrive pas à prononcer le mot « règles ». Le personnage de Philippe Katerine est bouleversant. Il nous a évité l’écueil du macho à l’ancienne, parce que c’est Philippe Katerine. Il a quelque chose de plus féminin. 

Il y a aussi Guy Marchand ! Cet homme qui raconte la maladie d’Alzheimer de façon rigolote aussi. C’est inspiré du grand-oncle de Louis qui s’appelait Jean Jacques aussi.

LP :

Quand j’étais petit je n’ai connu mon grand-oncle que malade et j’allais passer tous mes weekends avec mon jumeau. Quand tu as huit ans et que tu vois un vieux qui te donne des billets de 200 francs pour aller au cinéma, ou bien qui veut s’évader de la maison… Il avait quelque chose de complètement romanesque et poétique car c’est des personnes qui n’en n’ont plus rien à faire. Ils pensent un peu comme des enfants ces gens-là et c’était intéressant.   Il était complètement déluré. C’est des personnes qui sont totalement libres. 

VB :

Ainsi, le personnage de Jean Jacques est en fin de vie dans le film mais néanmoins il a la place de bébé dans la famille. Albert doit s’occuper de lui et ne peut pas s’occuper de sa fille.  On s’est vraiment inspiré des seniors de notre entourage après s’être racontés nos vies et c’est ça qui fait qu’on est devenu proche et amis. 

LP :

En écriture partir du réel, c’est les meilleurs moments en disant « tu te souviens de cette personne… ». Ça permet de ne pas partir dans le fantasme. Les gens vivent et rigolent dans la réalité. 

VB :

Après sur l’adolescence, on a partagé nos premiers émois, on n’était pas les populaires de la cour de récré. On s’est reconnu et ressenti, on a vécu le même genre d’adolescence. Et en tant qu’auteurs, ça fait du bien de prendre sa revanche. La revanche du looser !

SM : Les prénoms ont une grande importance dans ce film ?

VB :

Au tout début c’était quelque chose comme « Léo, Léa », comme pour « Victor, Victoria ». Mais, on avait l’envie de donner un prénom vieux à l’héroïne, comme ses parents ont toujours travaillé avec des personnes âgées. Moi je me suis imaginé qu’un jour une Marie-Luce est décédé et que les deux parents l’adoraient et qu’ils ont appelé leur fille ainsi. Louis est en fait arrivé un jour en disant : « qu’est-ce que tu penses de Marie Luce ? » Et j’ai trouvé ce prénom formidable sans connaître la signification au début.

LP :

En fait je sortais avec une fille qui avait une amie qui s’appelait Marie-Luce et quand on décompose : Marie, c’est la vierge, une sainte et Luce la lumière… Donc ça donne un peu l’idée de quelqu’un qui veut aller dans la lumière… Et Victoria a validé

VB :

Léo c’est car j’étais très amoureuse de Léonardo Dicaprio quand Roméo et Juliette est sorti. J’avais un poster de cheval car j’étais dingue d’équitation et je l’ai enlevé pour mettre Titanic. Là, mon père s’est rendu compte que j’étais en train de changer. Néanmoins il s’est dit que Léonardo Dicaprio je ne pouvais pas l’atteindre, donc il m’a offert tous les bouquins sur lui ! Et moi, je lui ai même écrit une lettre d’amour avec mon dictionnaire Français/anglais, auquel il ne m’a jamais répondu…Mais ce fut une bouteille à la mer ! Mais sinon, tout revient à la mode, tous mes amis donnent des prénoms anciens à leurs enfants : les prénoms anciens reviennent à la mode ! 

SM : Ce film transgénérationnel va autant plaire aux jeunes qu’aux plus anciens ?

VB :

On a écrit ce film pendant le confinement, quand on a été coupés les uns des autres. Et il y a quelque chose qui s’est cristallisé sur cette histoire. Le fait de raconter une histoire où les anciens aident les jeunes à s’en sortir et inversement. Ça a encore plus d’impact avec ce qui s’est passé. Moi j’ai été interdite de voir mon père à un moment où il était en train de décéder, ça m’a fait beaucoup de peine. C’est très important ce lien, ancien/jeune, il est fondamental.

SM : Une question sur Marie-Luce, comment avez fait ce casting pour elle ?

VB :

Ça a été six mois de castings, car on ne la trouvait pas. Il fallait qu’elle joue les 2 personnages : Marie Luce et Léo. On a écrit un film casse-gueule où tout reposait sur ses épaules quasiment. Je ne trouvais pas une jeune fille qui sache interpréter Léo et Marie Luce, la comédie et le drame… On passe tout le temps d’un ton à l’autre.

SM : Tous les deux à l’image de Marie-Luce, quelle folie avez-vous pu oser par amour ?

VB:  

A cet âge-là, j’ai devancé ma meilleure copine qui était amoureuse du même garçon que moi et sans lui avouer que moi aussi, je suis sortie avec lui… C’est dégueulasse, mais mon amour était plus fort que mon amitié !

LP :

Moi, c’est très triste. J’étais très amoureux de ma meilleure amie et quand j’ai compris que ça n’allait pas marcher, je suis devenue très triste, je ne mangeais plus et je regardais que des films tristes, c’est comme ça que je suis tombé dans le cinéma !

 

SON ACTUALITÉ

La Plus Belle pour Aller Danser

Sortie le 19 avril 2023 au cinéma

 

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