L’Interview de Guy Carlier

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  • Mise en ligne : 18 décembre 2019
  • Mise à jour : 18 décembre 2019

Guy Carlier est né le 5 juin 1949 à Argenteuil. Il est chroniqueur radiophonique et télévisuel, écrivain et parolier. Il a 3 fils : Stéphane Carlier, né en 1969 (écrivain), Raphaël, alias Carlito, du duo de vidéastes, McFly & Carlito né en 1986 et Antoine, né en 2007. Il a été auteur pour Demis Roussos, Gilbert Bécaud et Johnny Hallyday.

" Je me suis dit que la boulimie est une maladie et que ce livre pouvait aider les gens qui étaient dans cette même situation. »

Seniors.Mag. : Dans votre livre « -125 » qui est sorti le 16 mai vous racontez qu’il y a 12 ans vous pesiez 250 kilos et vous avez perdu la moitié de votre poids grâce à Jean-Michel Cohen. Mais pourquoi écrire ce livre seulement aujourd'hui ?

Guy.Carlier. : En fait, le livre pourrait maintenant s’appeler « -135 kg » mais je l'ai laissé à « 125 » parce que le symbole de la moitié du poids me permettait au niveau de l'écriture de parler de la mauvaise moitié du Carlier que j'avais éliminée. C'est une aventure personnelle dont je n'avais pas spécialement envie de parler. Mais je me suis dit que la boulimie est une maladie qui engendre de la solitude, de la culpabilité et de la honte et que ce livre pouvait aider les gens qui étaient dans cette même situation.

S.M. : Pourquoi ne l’écrire que maintenant ?

G.C. : Cette année comme je vais jouer mon nouveau spectacle j'ai décidé de ne pas faire de radio et donc d’écrire. Mais l’élément déclencheur a été un dîner chez Jean-Michel Cohen. Ce soir-là il m’a dit que j’avais été dans « le top 10, des poids des Français ! ». Il m’a parlé de l’IMC, et m’a expliqué que j’avais à l’époque explosé le chiffre au-delà duquel on est normalement mort. J’étais encore vivant et c'était un miracle !

S.M. : Mais à ce moment-là vous travailliez toujours, vous vous déplaciez ?

G.C. : Oui mais je me déplaçais de moins en moins puisque ça me fatiguait. Par exemple quand je faisais mes chroniques à France Inter, je garais la voiture là où on stocke les gros instruments de musique de l'orchestre philharmonique. Ce qui fait que je prenais le monte-charge qui arrivait directement au studio 105 où on faisait les émissions avec Stéphane Bern, de façon à ne pas avoir à marcher… Je ressortais de la maison de la radio par le même moyen. Puis on allait déjeuner avec toute l'équipe dans un restaurant « Le Zébra » en face de la maison de la radio. Mais pour traverser la rue il faut descendre quelques marches et du coup je prenais ma voiture. Je faisais le tour puisque c'était en sens interdit pour venir devant le restaurant où le voiturier la prenait en charge. Jean-Michel Cohen avait calculé que je faisais probablement au maximum 50 mètres par jour.

S.M. : A partir de quand avez-vous pris du poids ?

G.C. : Quand j'ai arrêté de faire du sport. J’ai été très vite boulimique. J'ai fait un travail là-dessus et au départ la nourriture compensait une peur de l'abandon. Je ne vais pas vous raconter cela en deux mots mais cette habitude là et le fait d'assimiler inconsciemment la nourriture à un sédatif, date de mes 4-5 ans.

S.M. : Et pourtant vous n'étiez pas rond à 4 ou 5 ans ?

G.C. : Je ne faisais pas de crise de boulimie massive mais l'année où j'ai arrêté de faire du sport pendant ma première année de fac j'ai pris 30 kg. Et puis j'ai arrêté de fumer. Je suis entré dans un cycle infernal, une spirale jusqu'au moment où j'ai rencontré Jean-Michel Cohen dans une émission de radio. Ça s'est très mal passé au début je lui ai dit qu'il était « nutritionniste pour dames » comme il y a des coiffeurs pour dames, c’est-à-dire qu’il faisait maigrir des dames qui avaient 3 kg à perdre pour se mettre en maillot sur la plage.

S.M. : C'est un défi que vous lui lanciez à ce moment-là ?

G.C. : La boulimie est une maladie, une addiction, comme l'alcool ou la drogue mais si vous pouvez vivre sans alcool ou sans drogue, vous ne pouvez pas vivre sans manger. C’est donc un supplice quand on vous dit « tu es obligé de manger mais que des choses qui ne font pas grossir et en petite quantité ». De plus la boulimie n’est pas glamour. Il y a une espèce de romantisme du junkie, des types qui sont accros à l'héroïne, il y a même des chansons là-dessus  : Eric Clapton a chanté «  Cocaïne  »  ; Les Rolling Stones ont chanté « Sister Morphine », c’est une espèce de romantisme désespéré … Pour la boulimie, on imagine le type assis devant son frigo ouvert, la nuit sur un tabouret, à poil, à bouffer le gâteau d’anniversaire de son fils… Il n’y a pas de chanson là-dessus, c'est la honte. J’ai commencé à prendre du poids au début de ma carrière d'assistant directeur financier avant d’être directeur financier et mon médecin me disait « c'est parce que c'est un travail qui ne vous passionne pas » pourtant je voyageais beaucoup et j'étais déjà privilégié, quand je voyais mes comptables qui arrivaient à 9h qui repartaient à 16h… Le médecin me disait : « vous avez besoin d’être reconnu, vous devriez faire un autre métier… ». Depuis longtemps j'écrivais des chansons ; Du coup le jour où la société dans laquelle je travaillais a déposé le bilan je me suis décidé à envoyer mes textes aux producteurs et j’ai écrit une chanson qui a marché tout de suite, «Y a pas que les grands qui rêvent » chantée par la petite Mélody et pour laquelle on a vendu 910 000 exemplaires.

" Il y a une espèce de romantisme du junkie, mais la boulimie n’est pas glamour. "

Guy Carlier

S.M. : Il y avait donc à ce moment - là une reconnaissance ?

G.C. : Oui et j’ai signé un contrat avec un éditeur qui m'assurait une mensualité confortable puis j'ai écrit pour Demis Roussos et d’autres artistes mais je continuais à grossir. Puis j'ai commencé à m’amuser en laissant des messages sur le répondeur d'Europe 1 où les gens donnaient leur avis sur des programmes télé et j’imitais un prof de maths de mon fils ce qui a beaucoup fait rire Laurent Ruquier qui écoutait et qui m'a téléphoné en me disant « Est ce que vous voulez faire ça en étant payé sur France Inter ? » j'ai dit oui et j'ai commencé la radio comme ça. Mais entre le moment où le toubib m'a dit que j'avais un problème de poids, qu'il fallait que je sois reconnu jusqu’au moment où je l'ai été, j'ai doublé mon poids, Ce n'était donc pas si évident ni aussi simple que ça. D’autant plus que par la suite, il y a eu la télé et j'étais devenu un personnage public et de surcroit un sniper. Je jouais le rôle du méchant et malgré tout, dans la rue les gens me donnaient de l'amour…

S.M. : Ce qui est paradoxal chez vous c’est cette peur de l’abandon et en même temps cette envie de vous donner des défis sur le plan professionnel, de risquer de tout perdre en remettant en question votre statut ?

G.C. : Évidemment le seul problème est cette peur de l'abandon mais qui n'a rien à voir avec le show-biz et mon besoin de reconnaissance est probablement lié à mon père et pas du tout au public.

S.M. : Comment vous sentez-vous maintenant avec un demi Carlier en moins ?

G.C. : Je me sens très bien parce que ce besoin de reconnaissance a été assouvi sur le plan affectif : je me suis marié, j'ai eu deux enfants, deux garçons et puis je m'ennuyais dans ma vie de couple comme je m’ennuyais dans mon travail de directeur financier et je cherchais toujours la femme idéale. A ce moment-là c’était de plus en plus difficile parce que je prenais une apparence « monstrueuse » et malgré tout je parvenais à séduire ces femmes qui finissaient par me dire « je t'aime », c'était incroyable. Et là je m'en allais parce que je considérais qu'on ne pouvait pas me dire « je t'aime ». A chaque fois au début je me disais « c'est elle que je cherche ! ». Il y avait une quête de cette femme que j'avais idéalisée qui a duré toute ma vie ; Et puis un jour ma mère a eu un cancer du poumon à l'époque où je jouais mon premier spectacle à Avignon. Je la vois juste avant de partir et elle me dit « Je ne suis pas bien et mon médecin m'envoie voir un pneumologue à l'hôpital d'Argenteuil » Je suis allé avec elle à cette visite et le médecin, le pneumologue est la femme avec laquelle je vis maintenant depuis des années. J'étais dans une situation incroyable quasiment shakespearienne c'est-à-dire qu'elle annonçait à ma mère qu'elle avait un cancer et moi je me disais « c'est elle que je cherchais ».

Propos recueillis par Pascale Peiffer

SON ACTUALITÉ :

« Moins 125 - Amour Monstre » , Sorti le 16 mai 2019, Ecrit en collaboration avec Jean-Michel Cohen

Retrouvez son ouvrage sur :https://livre.fnac.com/a13389462/Guy-Carlier-Moins-125

Moins 125, de Guy Carlier

 

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