Rencontre intime avec Thomas Dutronc

  • Par Arnaud Onnainty
  • Mise en ligne : 15 octobre 2025
  • Mise à jour : 15 octobre 2025

Fils d’icônes mais artiste à part entière, Thomas Dutronc trace depuis plus de vingt ans un chemin singulier entre chanson française et swing manouche. À l’occasion de cette rencontre exclusive, il évoque son amour de la musique, son rapport au temps qui passe et la sérénité qu’il a su trouver loin du tumulte médiatique.

“On n’est pas vieux, on est jeunes depuis longtemps”

 

SM : Thomas Dutronc, bonjour. Vous êtes actuellement en tournée. Comment vivez-vous cette série de concerts ? L’énergie du public vous surprend-elle encore ?


Ah oui ! J’ai l’impression que les gens se déchaînent plus qu’avant. On a progressé musicalement, notre musique emporte plus le public que dans mes concerts d’il y a dix ans. Par exemple, à Saint-Germain-en-Laye, on se disait que le public serait peut-être un peu froid, c’est une ville un peu bourgeoise et en fait pas du tout ! Des femmes de 30-40 ans dansaient comme des folles, c’était super. Et puis il n’y a pas de règles. À Nevers, dans un théâtre, on pensait que ce serait calme… et on a eu une standing ovation de dix minutes ! Une spectatrice m’a dit : “Je ne m’attendais pas à ça, ça monte tout le temps, c’est incroyable !” Je lui ai répondu : “Vas-y, redis-le pour la caméra !” (rires)

 

SM : Comment préparez-vous cette tournée ?


Il y a une petite préparation physique, parce qu’on sait que c’est crevant et qu’on dort mal dans le tourbus. Heureusement, j’ai moins de dates qu’avant. Au lieu de 5 ou 6 par semaine, on en fait 2 ou 3, parfois 4, et là, ça tire un peu !
L’année dernière, on était un trio de guitares… à quatre ! (rires) On disait qu’on était “le seul trio à quatre”, parce que j’avais ajouté un contrebassiste. C’était un bonheur total, avec Chocquillo Rosenberg et Rocky Gresset, deux immenses guitaristes manouches. Je me suis régalé comme jamais.

 

SM : Vous venez souvent à Bordeaux. C’est une ville particulière pour vous ?


Oui, j’adore Bordeaux et la région. Et le vin aussi ! (rires) Le public y est toujours super.

 

SM : Le public a-t-il changé depuis vos débuts ?


Oui, un peu. On voit plus de spectateurs de plus de 50 ans, mais c’est aussi lié aux lieux. Dans les théâtres, les abonnés sont souvent plus âgés. Les jeunes vont moins à la saison culturelle. Et puis nous aussi, on a basculé de l’autre côté ! (rires)
Je trouve qu’à 16 ans, on nous demande trop vite ce qu’on veut faire de notre vie, c’est absurde. J’ai une phrase de Richard Feynman que j’adore : “On ne saura jamais vraiment pourquoi on est là, mais quel que soit le domaine dans lequel on s’investit, il peut devenir passionnant.” C’est ça qui est rassurant : quelle que soit la branche, on peut aller loin. Aujourd’hui, on parle trop de sportifs ou de chanteurs. C’est très bien, mais on entend trop peu les mathématiciens, les chimistes. J’ai une admiration énorme pour ces gens-là.

 

SM : Quelles chansons touchent particulièrement ce public-là ?


“Les petits bonheurs” ou “Il n’est jamais trop tard” marchent très bien. Et dans le nouvel album, certaines parties instrumentales cartonnent, notamment avec le violoniste ou le pianiste. Après cinq mois de tournée, je vois déjà les chansons qu’on aurait envie de chanter dans dix ans. C’est une super nouvelle.

 

SM : Votre musique garde une base jazz manouche, mais s’est élargie. Comment vous définiriez-vous aujourd’hui ?


On touche un peu à tout. J’aime aller loin dans la musique tout en restant accessible. Ma particularité, c’est d’être entouré de musiciens incroyables et de leur laisser la place. Quand un solo fait décoller la salle, comme chez James Brown avec Maceo Parker, j’adore ça. Django Reinhardt reste une idole absolue, un des plus grands musiciens de tous les temps. Mais bon, ce n’est pas parce qu’on l’aime qu’on sait en jouer ! (rires) Je me vois comme un passeur : j’aime glisser des parenthèses musicales fortes, sans perdre ceux qui préfèrent les textes. Les Français sont un peu moins “musique” que les Anglo-Saxons. Ils tapent souvent des mains à l’envers ! (rires) Chez nous, on vient plutôt des bourrées auvergnates et des chansons de taverne, c’est pas la même chose ! (rires) J’essaie de ne pas assommer les gens, tout en leur ouvrant des petites fenêtres d’émerveillement vers d’autres univers. Si je pouvais faire un concert de guitare solo pendant une heure et demie, je serais ravi… mais je ne sais pas le faire. (rires) Alors je me débrouille avec mes moyens : mon niveau de guitare, mes chansons, mes copains. On fabrique quelque chose ensemble, en famille et c’est ça que j’aime le plus.

 

SM : Votre style crée-t-il du lien entre les générations ?


Oui, complètement. Les anciens retrouvent des sons qu’ils aiment, les jeunes s’éclatent. Il y a de l’humour, des délires, comme ma chanson “Les frites” que les enfants adorent ! On m’a dit une fois : “Putain, mais il y a vachement d’humour, je ne m’attendais pas à ça, on se marre !” On ne se prend pas au sérieux tout en faisant les choses sérieusement. Et ça, ça parle à tout le monde. Les gens imaginent que le jazz c’est chiant, mais ça n’a rien à voir. On change, on rebondit. Quand je vois un concert sans surprise, sans humour, je suis comme les deux vieux Muppets : je critique tout, tout m’emmerde, j’ai envie de partir boire une bière au bout de deux morceaux. En général, tout m’emmerde parce qu’il n’y a pas de surprise, pas d’humour. Je crois que je tiens ça de mon père. J’aime casser les codes, surprendre, donner la parole à mes musiciens. J’ai des musiciens incroyables : Rocky, qui a joué avec Diana Krall ; Éric Legnini, un pianiste mondialement connu ; Aurore Voilqué, violoniste incroyable qui joue souvent à New York. On a un niveau international et on garde un esprit de bande.

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